Nous voici dans la petite ville d’Ashton Idaho, à mi chemin entre le Grand Teton (au sud est) et le Yellowstone (au nord est). Nous avons loué une cabine pour la nuit (une espèce de cabane améliorée) plutôt rustique, mais en (digne) héritier des premiers coureurs des bois, cela nous conviendra très bien.
En parlant de coureur des bois, peut être avez-vous remarqué que beaucoup de noms sont à consonances françaises dans cette partie de l’ouest : « Grand Teton » (prononcé « graine titone »), « Dubois » (prononcé « duboyce »), « Gros Ventre » (prononcé « grosse veuntre »), « Nez Percé » (prononcé « naise pirce »)… En bavardant avec un agent de police rencontré dans une station service, celui-ci nous apprend que la région était bien connue des coureurs des bois, contrebandiers et autres trappeurs canadiens français. Samuel de Champlain (dignitaire français fondateur de la ville de Québec) y avait même envoyé une garnison de soldat en exploration. D’où tous ces lieux à l’orthographe familière.
Pour se rendre au parc Yellowstone, deux options: une route direct, sans dénivelé, mais plutôt encombrée ; ou bien la route des Mesa Falls à travers la forêt, peu fréquentée, mais plus longue et montagneuse. Nous choisissons finalement la seconde option.
Une fois n’est pas coutume, nous réalisons rapidement que nous avons pris la bonne décision. Le parcours est splendide : le temps est radieux, pas de vent, l’asphalte impeccable, peu de circulation et le décor digne de « Danse avec les loups ». Par ailleurs, nous observons le printemps naître sous nos yeux. Trois jours plus tôt les arbres étaient encore dénudés et aujourd’hui ils se parent de ce feuillage vert tendre si apaisant.
C’est aussi cela la magie du voyage à vélo : la découvertes de lieux que très peu prennent le temps d’explorer. Cette route des Mesa Falls a le malheur de se situer à quelques encablures de l’un des parcs les plus réputés au Monde. Aussi, personne ne s’attarde à l’emprunter et découvrir ses canyons et ses chutes d’eaux.
En tant que touristes sur triangles à deux roues, nous fuyons la circulation et allons instinctivement vers ces endroits. Des havres où par moment se cristallisent tous ce que nous sommes venus chercher dans une telle expédition : une petite brise, l’écoulement d’une rivière, les « Grand Tetons » au loin, la nature qui renaît, la douceur d’un timide soleil de mai… Tous nos sens sont en communion avec le décor. Nous ne l’observons pas depuis l’habitacle d’une voiture ou d’un van, nous en faisons parti, nous lui appartenons.
Ces instants parfaits, où l’émotion nous envahit jusqu’à pratiquement nous tirer une larme, ceux-ci ne durent qu’une poignée de secondes. Mais ils sont si pures et intenses qu’à terme c’est tout ce dont on se rappelle. C’est de ces moments que,sera constitué le « mythe » de notre voyage. Les pépites d’or au milieu de la rivière tapissée de roches, mais dont une seule suffit à nous rendre riche.
Nous avançons donc à travers la vallée de la Warm River et en profitons pour s’arrêter déjeuner au bord de la rivière. J’évoquais la nature en éveil avec ses feuilles et ses bourgeons, mais cela vaut également pour les insectes et plus particulièrement les mouches, un peu trop accueillantes à notre égard.
La route des Mesa Falls ne se rend malheureusement pas jusqu’au Yellowstone. Il nous faut reprendre la Highway 32 pour les derniers 40km. Nous décidons de camper avant l’embranchement, laissant le stress de la circulation pour le lendemain, préservant ainsi cette journée mémorable. La vue de certains écriteaux mettant en garde les campeurs à propos d’une forte activité des Grizzlis dans le secteurs. Nous décidons finalement de rouler quelques kilomètres de plus et de passer la nuit dans un motel. Effectivement, sur ce coup là, nous n’avons pas été très digne de nos honorables ancêtres qui parcouraient ces contrées. Pas de motel ni de Wifi en ces temps là, il fallait faire face aux grizzlis.
C’est le moral un peu bas que nous entamons cette dernière journées vers le Yellowstone. Nous savons que les 40km qui nous attendent sont sur une route très fréquentée et étroite. Nous considérons même un instant faire du stop. Mais l’envie d’arrivée triomphalement dans le Montana à vélo et de prendre la traditionnelle photo devant le panneau d’entrée est plus forte. Nous partons donc sur nos deux roues.
Notre volonté semble récompensée car environ 1km plus loin, la route s’élargie avec de chaque côté de larges bandes. Rajoutez à cela un ciel limpide et aucun vent… Nous qui craignions une journée compliquée, les conditions sont finalement réunies pour dévorer l’asphalte et venir à bout de ce col qui précède l’arrivée sur le plateau du Yellowstone.
Ce regain de confiance accumulé au cours des derniers jours et cette configuration qui se montre finalement en notre faveur, nous donnent des ailes. Aussi bien Benoit que moi, nous ne faisons qu’une bouchée du col, le grimpant à près de 10mph (environ 17kmh), entrant au passage dans un nouvel état: le Montana.Un long faux plat descendant nous conduit tout droit vers West Yellowstone, petite ville à l’entrée ouest du parc. Nous croisons quelques motard en chemin qui comme à l’accoutumée, dans la grande famille des routards sur deux roue, nous saluent.
Comme nous ne cessons de le constater, il est encore tôt dans la saison et de nombreux commerces, hôtels et campings sont encore fermés. Alors que nous comptions rester plusieurs jours ici dans un camping pour pouvoir pleinement profiter du parc, il nous faut revoir nos plans : Deux nuits sur place et une journée à visiter le parc en louant une petite voiture. Ensuite nous devrons reprendre la route. C’est la solution la moins onéreuse que nous trouvons.
Un peu déçu de ne pas pouvoir passer plus de jours dans ce parc mythique, nous nous lançons à sa découverte à bord de notre Ford Fiesta de location. Effectivement la réputation de l’endroit est fondée. C’est grandiose, un oasis de nature sauvage totalement préservé. Nous apercevons des bisons, orignaux, caribous, antilopes… Et même deux ours noirs en contrebas de la route qui s’affairent à chercher de la nourriture et ne prêtent absolument aucune attention aux dizaines de personnes stationnés le long de la route pour les observer.
J’en profite pour saluer l’initiative des américaine qui dès le XIXe siècle ont compris que des espaces comme celui ci devaient être préservés.
Je ne peux m’empêcher de penser aux trappeurs lorsqu’ils sont arrivés sur ces terres, qu’ils ont campé au bord de ces rivières, parcouru ces plaines encore vierges de tout véhicule ou bus de touristes. Car effectivement si la fréquentation d’un début de mois de mai n’a rien à voir avec juin ou juillet, ça reste extrêmement fréquenté. On ne se sent jamais vraiment immergé dans cette nature sauvage. On a le sentiment d’être sur les rails d’un petit train sillonnant le parc et l’observant à travers les vitres.
Alors oui, c’est Indéniable, c’est de toute beauté. Mais pour nous qui étions habitué à ne faire qu’un avec le décor, se retrouver là derrière le par brise… Les émotions ne passent pas. Probablement trop gâtés par ce que nous procure le vélo, nous n’arrivons pas à apprécier l’endroit à sa juste valeur et finalement la modeste route des Mesa Falls ou la forêt d’Arapaho dans le Colorado nous ont procuré plus de sensations.
Aucun regret à avoir, la configuration ne se prêtait pas à un séjour de plusieurs jours dans le Yellowstone. Nous l’aurons toutefois vu et néanmoins apprécié. La route continue. Toujours plus au nord à travers ce grand état du Montana.

Hey boys, je comprends votre » frustration « . Vous avez connu le bonheur des petites routes de montagne, pratiquement désertes, et voilà que vous êtes soudain plongés dans le flot des touristes qui s’arrêtent aux mêmes spots, comme on le ferait chez Disney. La magie ne passe pas. L’émotion n’est pas au rendez-vous de la puissance du lieu. C’était presque prévisible. Votre voyage vous installe dans l’intime d’une relation très particulière à ce qui vous entoure, loin des foules. Mais bon, vous ne pouviez pas ne pas vous arrêter. Allez. Bonne route. Bisous.
Oui en vélo on est presque trop gâté parfois. Cela dit, c’est magnifique le Yellowstone, cela ne lui enlève rien.
Mais il s’agit tout de même du Yellowstone, qu’on vient voir du monde entier.
Donc, Pierre, tu n’échappera pas à une » minute » qui lui est dédiée.
Dans cette part d’Amérique où l’indigène premier
Vit s’éteindre le bison sous les coups du pionnier,
Il est une île sans mer, une terre à fleur de peau
Soufflant dans ses geysers le souffre et les cristaux,
Grandeur du Yellowstone offrant aux survivants
De boire à ses eaux vives pour renaître chaque printemps.
Dans le lit du volcan, vertige de colonnes pures
Où l’écume contenue jaillit de la fracture,
Où le sol improbable n’est qu’une lente déchirure
Vomissant de l’abîme les larmes de la rupture,
La faune a son royaume, sa terre sans conditions
Dont surent faire un sanctuaire des pères de la nation.
De retenir son souffle l’écorce mise au défi
Se tord sous la contrainte de mille forces ennemies,
Se mord et se fissure, se fend et se rature
Pour accoucher sans fin l’arc en ciel d’une blessure,
Sublime piège à soleil pour courber sa lumière
Et en griffer le ciel d’une éphémère frontière.
Magie du Yellowstone, le temps n’est que saisons,
Les jours y sont des cycles qu’on lit sur l’horizon
Quand les grands animaux glissent leur ombre silencieuse
Sur les bords d’un étang, sous la lune en veilleuse,
La vie n’est que l’appel du ventre de cette terre
Tordu de contractions pour nous dire son mystère.
Allez, promis juré, ce sera ma seule » minute » sur ce voyage.
Bonne route à vous deux. Au bonheur de te lire.
Bisous à vous deux.
Superbe. Bien résumé.
Coquille; » tu n’échapperas pas. » Bisous.
toujours autant de plaisir à lire tes comptes-rendus Pierre, et quelles photos magnifiques (je suis à chaque fois émerveillée par la beauté des cieux) ! Merci pour cette aventure partagée !
Merci Nathalie. Quand au cieux, à l’heure où je t’écris ce n’est pas terrible… 😉
Salut Pierre (autant pour ton ami)……je vous suis avec ravissement et partage toutes vos émotions . Vous nous faites un beau kdo…..J admire votre courage qui fait votre bonheur . Bonne continuation à vous …..à la suite de l aventure…..enjoy.
Dorothée
Merci Dorothée pour ce message encourageant. À très vite.
Avez vous pu admirer le grand « Faith full »?
Oui en effet, nous l’avons vu. Mais pas d’éruption lors de notre passage. Il fallait attendre environ 2h.
Les paysages splendides rencontrés tout au long de ce voyage sont tout simplement époustouflants.
Merci de nous partager les sentiments ressentis tout au long de ce fabuleux parcours!
Et merci Ghislaine pour les commentaires. Ça pousse à continuer.
Je suis admirative. De votre énergie. (Oui, voilà, je suis fan de vos 4 mollets);
En même temps, j’imagine sans peine que de tels paysages donnent des ailes.
N’empêche… c’est admirable.
Merci ça nous touche et nous motive. Oui cela donne des ailles… Mais bien fragiles: un vent de face et terminé, les ailes brûlées !
C’est avec joie que je suis votre progression, grâce à toi Pierre .merci encore ,félicitations à tous les deux pour votre endurance surtout à Benoît peu entraîne ,et votre curiosité ,.contente que vous y preniez autant de plaisir .bisous à tous les deux .Monette.
Merci pour les encouragements ça nous donne de la motivation. On en a parfois besoin, mais il semblerait que l’on est une bonne étoile. On a eu quelques anges gardiens qui nous aide à aller de l’avant.
On pense a vous. A+
Ah oui ! Enthousiasme vs Vent de face. 0-1. Le vent est un gros costaud qui impose sa loi.
C est l épreuve de la réalité. Mais quand la réalité ressemble à un rêve on peut dire qu on s en sort bien. Même avec le vent de face.
Bon courage. Hauts les cœurs.
Disons match nul allez… Car on avance quand même. Mais c’est très serré 😉
Que de beaux paysages, que de beaux moments dans cette nature sauvage… Des souvenirs impérissables, des défis à hauteur d’homme…
Toujours un plaisir de vous lire et de constater que malgré les imprévus inhérents à cette » expédition » , le tout se passe bien et vous rende heureux!!!
Profitez-en bien!!!
Merci Yvon. Oui certains moments nous font oublié tous les passages difficiles.
Bravo à vous !
Belle épopée avec une narration passionnante et des images vraiment superbes !
Et que les roues tournent !
Elles tournent ça c’est certain ! Bisous