20 avril, 9h00 du matin, debout depuis une bonne heure, le départ est imminent. L’appréhension et l’excitation sont au niveau maximal. Le genre de cocktail de sensations que l’on ressent souvent avant un rendez-vous galant. Ici notre promise se
nomme Nature et le lieu : Forêt Nationale d’Arapaho. Espérons que nous lui plaisions et qu’elle ne soit pas trop dure avec nous.Nous sommes enfin près, il ne reste plus qu’à rendre les clés de la chambre. Le gérant du motel nous souhaite bonne route à sa
manière: « N’oubliez pas, ici il n’y a que 2 saisons, l’hiver et juillet ». Encourageant ! Après le douanier de Denver, un autre prophète de malheur ?C’est parti ! Nous voici officiellement sur la route. Pour Benoit, il s’agit d’une première, comme l’illustre d’ailleurs sa réaction après ses premiers coups de pédale : « Bordel, c’est plus un vélo, c’est une moto ». Oui, l’effet est toujours assez déroutant lorsque l’on enfourche le biclou chargé pour la première fois. Courage Ben, plus que 3499Km !
Il fait environ 8 degrés, le ciel est couvert. Les conditions pourraient être meilleures mais comparé à ce que nous avons eu précédemment, nous nous en contenterons. À la sortie de Granby nous quittons la route nationale pour prendre une petite route montagneuse. Bien que l’inclinaison soit très
progressive, les gains d’altitude se font ressentir. À la fois visuellement: la neige est de plus en plus présente, mais aussi physiquement: notre souffle s’en ressent.Les paysages que nous traversons sont à couper le souffle (sans mauvais jeu de mot). Nous remontons la vallée de la rivière Willow creek, cernés par les Rocheuses enneigées. Pas un chalet, pas une maison…rien que nous, la route et ce décor digne de Jack London. Même cette météo si capricieuse, alternant chute de neige, grêle et éclaircies, donne une dimension unique à ces lieux.
Traverser cette forêt en une journée nous est impossible. Il nous faut trouver un coin où monter le camp. Une clairière en lisière de la rivière et non loin de la route semble parfaite.Alors que nous nous affairons à installer la tente, nous découvrons que l’endroit est déjà fréquenté: Un renard est là, immobile, à environ 6m de nous, observant nos faits et gestes. Il n’est pas effrayé et semble se demander ce que nous faisons. Craignant qu’il puisse avoir la rage, Benoit s’empare de la bombe de gaz
répulsif pour parer à un éventuel « rapprochement ». Notre nouvel ami s’éloigne de lui même et nous ne le reverrons plus de la soirée.Ce n’est pas la seule « rencontre du 3e type » que nous ferons ce soir là. Plus tard dans la soirée, alors que Benoit cherche du bois sec, il aperçoit au loin, traversant la vallée en courant, un animal gris et blanc qu’il décrira comme être un loup. Pas de certitude mais selon lui cela semblait être plus gros qu’un coyote et même qu’un chien.
À notre réveil, les parois de la tente sont gelées. La nuit a été fraîche (-5), mais paisible. Pas de visite de la part d’autres locataires de la forêt. Nos réserves de vivres, que nous avions éloignées du campement, sont intactes. Le ciel est d’un bleu parfait et le soleil ne tarde pas à s’élever au dessus des Rocheuses, réchauffant la tente et dégivrant les vélos. Encore une fois la nature nous offre un spectacle fabuleux.
Galvanisés par le décor enchanteur, nous remontons en selle, près à attaquer l’ascension de ce col qui nous permettra de passer de l’autre côté de la vallée.
Les dernier kilomètres d’ascension sont pénibles. Le manque d’oxygène se fait cruellement ressentir et nos réserves d’eau diminuent de manière préoccupante. Il faudra absolument se réapprovisionner au prochain village.
Tant bien que mal nous parvenons au somment. Une demi gourde d’eau, c’est tout ce qu’il nous reste. Nous devons encore rouler 15km et prions pour que la moitié soit en pente. La réalité est bien décevante: seulement 3km. Le reste: une alternance de montées et descentes. Par ailleurs, pour corser un petit peu le jeu, les facétieux dieux du vélo ont décidé que le décor changerait drastiquement: fini la verdure et la neige, désormais: les plaines arides et le soleil de plomb. En
moins de 2h, nous avons totalement changé de saison et de cadre. Le moral est aussi bas que notre stock d’eau. Pas même moyen de faire du stop, il passe moins d’une voiture par heure. Seule solution: avancer.Épuisés, nous atteignons finalement le hameau tant espéré. Nous nous dirigeons triomphalement vers le petit magasin (et unique) du village pour y acheter des bouteilles d’eau. À cet instant, si vous étiez scénaristes et que vous vouliez pimenter un peu l’intrigue (autrement dit: pourrir la vie de vos protagonistes), que feriez vous ?Voilà !… Vous avez devinez: Le Magasin est fermé ! Il ne réouvre que dans 2 semaines.
Toutes les gourdes sont maintenant à sec. Notre espoir d’obtenir de l’eau dans ce magasin, évaporé ! Il reste les maisons aux alentours, quelqu’un nous en offrira bien. Encore faut-il que les gens soient chez eux. Personne ne répond. Le prochain village est à 30km. Sous ce soleil, sans eau… Impossible.
À ce moment là une voiture s’arrête devant la petite cabane qui fait office de bureau de poste. Je saute sur mon vélo pour partir à sa rencontre. La propriétaire du véhicule est en réalité la factrice qui vient ramasser le courrier. Elle me demande si j’ai besoin de quelque chose. « De l’eau !… Timbres, enveloppes, j’ai tout ce qu’il faut, je veux juste de l’eau !! ». La factrice retourne dans la maisonnette pour remplir nos gourdes d’eau. « Voilà, avec ceci vous pourrez tenir jusqu’au prochain village. Là bas vous trouverez des restaurants, bars, motels… ». Mon dieu que ces mots font plaisir à entendre… Motel, bar, air climatisé, wifi, magasin… À cet instant très précis: Le rêve !
Pour Benoit, repartir à travers ces plaines arides sur 30km est impossible. La fatigue est trop grande. Pourtant, le seul moyen de nous tirer de cet enfer est de la même manière que nous y sommes venus: en pédalant. Un pause d’une heure, de l’eau fraîche et une collation suffisent à nous redonner la force de repartir. 30km, 30km et les mots Bar, Motel, Bière, Douche… Deviennent réalité.
Environ 2h plus tard nous arrivons à Walden, petit village du Colorado de 800 habitants. Effectivement, Walden est le nom du livre dont je parle en page d’accueil, aucun rapport cependant. Pour ma part je ferais tout de même le
rapprochement, comme un clin d’œil de ces taquins dieux du vélo qui se seront bien divertis sur notre dos tout au long de la journée.Nous décidons de rester une journée complète à Walden le lendemain, afin récupérer physiquement, moralement et de surtout tirer des leçons de ces 2 intenses premières journées.
ouh la la ,ça commence très fort tout ça..
Et en plus ,c’est merveilleusement raconté et illustré…
Mon nouveau feuilleton d’aventures redémarre à vive allure…
Je languis de lire la suite..
Vite ,en selle !!!!
Continue de nous faire rêver!!!
Ça démarre un peu trop fort même 😉
Un très bon moment à lire vos aventures ….
Nous avons presque vécu les moments difficile et bien ri des commentaires !
On vous embrasse .
Evelyne et Alain
Oui, si vous nous lisez, dites vous qu’on est au chaud (ou au frais) bien relax.
À très vite.
Domi a raison, ça commence sévère. Bon, ça me rappelle une certaine journée dans le Colorado, justement. Mais il y a un bon génie qui veille sur les desesperados partis chercher juillet en avril, et qui le trouvent, les veinards. Et comme le facteur local est en plus chargé de l’approvisionnement en eau potable des malheureux visages pâles égarés dans la pampa, ça roule, et si la première gorgée de bière est à 30 bornes, elle n’en sera que plus fraîche. Eh oui, les gaillards, même le renard du coin avait entendu parler de votre passage. Et Benoît qui prend sa curiosité pour de la rage. Résultat, le loup a préféré aller renifler l’élan qui broute dans la vallée. Ah, l’ambiance du bivouac sur les photos. Je crois que cette nuit, j’irai passer un moment avec vous pendant que vous dormirez. Magnifique mon Pierre, ne lâche pas ton récit. Bisous à vous deux.
Merci oui. Tu aurais adoré le paysage. Le Colorado dans toute sa splendeur. Magnifique.
Heureux d’avoir de vos nouvelles.
L’aventure a un prix!!! Mais cela semble en vouloir la peine.
Vous avez commencé en grand!!!
Bon périple!
À la prochaine halte!!
Oui espérons tout de même que ce ne soit pas en grand à chaque sortie 😉
Conseil d’un Canadien. Dans les Rocheuses, si vous manquez d’eau, il faut faire bouillir de la neige…
Oui, nous l’avons fait, pour nous faire à manger 😉
bon, mes frères ont déjà tout dit, mais quel plaisir de te lire Pierre ! De magnifiques photos pour vraiment vivre votre aventure, tout y est ! Moi aussi, j’ai hâte de lire la suite! Bises…
Merci Nathalie. À très vite. Bises.
Coucou les aventuriers ! Suis passionnée par le récit et comme tous j’attends la suite comme une série haletante !
Bisous à vous deux et courage !
Étienne et moi suivons vos aventures!!! Que c est beau .exceptionnel magique etc…. courage à vous !! Enjoy !
Le premier mot qui me vient en tête, c’est « wouahh « …..
Pour votre courage, pour le suspens, pour ces magnifiques paysages du Colorado…..
Je craignais que des ours soient attirés par votre nourriture
D’ailleurs, comment faites-vous pour la cacher ?
Moi aussi, j’attends tes récits Pierre, comme un feuilleton auquel on est accroc ….
Bon courage les gars !
Comme vous le voyez, vous avez des supporters 😏 ( au moins moralement )
Le premier mot qui me vient en tête, c’est « wouahh « …..
Pour votre courage, pour le suspens, pour ces magnifiques paysages du Colorado…..
Je craignais que des ours soient attirés par votre nourriture
D’ailleurs, comment faites-vous pour la cacher ?
Moi aussi, j’attends tes récits Pierre, comme un feuilleton auquel on est accroc ….
Bon courage les gars !
Comme vous le voyez, vous avez des supporters 😏 ( au moins moralement )
Merci Brigitte, et le soutient moral c’est bien plus important qu’on ne le pense 🙂
La nature a de ces caprices… Tantôt majestueuse, tantôt aride, tantôt imprévisible, elle sait séduire le coeur des coureurs des bois et de tous ceux et celles qui sont capables d’émerveillement.
Bonne continuation! xxx
Merci Ghislaine, à très vite.