Dans cet Ouest où le vent fait chanter le désert,
Où un soleil de forge ne s’éteint qu’en hiver,
Il est aussi une ville, la nouvelle Babylone
Qui ose sous ce ciel brut ses fontaines, ses colonnes,
Ses plagiats de ville phare rivales sous l’artifice
D’une Cythère d’abondance au bord du précipice.
Dans cette Amérique fière du droit de son drapeau,
Où l’on jure sur la bible dans tous les tribunaux,
Las Vegas est ainsi, cette ville est un pari,
Le défi des possibles d’un lieu sans interdits
Où le sexe sans tabous se vend à la criée
Quand aux machines à sous les foules s’en vont prier.
Dans cette Amérique raide de son puritanisme
Rancie dans ses pudeurs comme dans ses égoïsmes,
Las Vegas est orgie, le trop plein de nos » tout « ,
République de palaces dont les clients sont rois
Pour des règnes d’un soir quand le hasard fait droit.
Mais dans cette Amérique qui court après l’histoire,
L’Ouest reste notre plus beau conte, une lune sur son perchoir,
Une vieille bande dessinée jaunie dans un tiroir
Et son héros vieilli agitant son mouchoir
Dans un instant de grâce tout au bout d’un comptoir
Quand le soleil s’endort au fond de son miroir.
Quelque chose s’est passé, la route s’est effacée,
Le corps peut-être trop las qui refuse d’avancer,
Ne pas aller plus loin au nom de cette promesse
Qu’on s’était faite un soir, scellée par cette ivresse
De n’abdiquer jamais, de tutoyer le ciel
Qu’il nous prenne à témoins et nous garde sous son aile.
Mais dans cet Ouest sans fin le voyage continue,
Ailleurs, sur d’autres cartes comme au coin de la rue,
Dans le songe toujours vierge de l’intime force d’aimer
La vie à bras le corps sans jamais désarmer
Quand le chemin s’arrête et qu’il faut être plus fort
Pour tuer nos démons et faire taire les remords.
Car cet Ouest est partout comme en chacun de nous,
Il n’est d’aucun pays, il n’est qu’un homme debout
Marchant vers l’horizon un bâton à la main,
Curieux de chaque seconde qui le mène à demain
Quand il sait par instinct qu’au bout de chacune d’elle,
C’est Ulysse qui retourne vers sa terre qui l’appelle.
Au retour d’Ulysse, il a dû livrer une dernière bataille avant de profiter de la quiétude de son chez-soi…
Bon rétablissement !