Chicago est une ville qui s’invente chaque instant,

Dans sa musique de rue comme dans ces bâtiments

Qui portent haut leur défi d’écrire encore l’histoire

D’une nation sans racines penchée sur son miroir,

Pourtant ici les hommes ont le goût du présent

Quand leur corps retrouvé les libère des écrans.

Pour rejoindre Denver en quittant Chicago

C’est un désert de plaines jusqu’au Colorado

C’est une terre à maïs, grenier de ce pays

Que l’on peut traverser en rongeant son épis

Mais où l’on peut aussi oser un train de nuit,

Oublier sa légende et éviter l’ennui.

Fière de son altitude, Denver est l’ambitieuse

Qui prépare l’avenir en balcon des Rocheuses,

Riche d’universités où incubent ces élites

Qui traquent dans leurs labos de prometteuses pépites,

Mais cette génération qui bouscule les séniors

A remplacé la bible par l’évangile du sport.

Denver s’inscrit aussi sur la route des légendes,

C’est la porte de cet Ouest de nos enfances gourmandes

Quand nous nous endormions en rêvant de chevaux,

Merveilleux compagnons qui nous faisaient héros

A conduire le bétail sans jamais de repos,

Le coeur toujours en selle à veiller les troupeaux.

De Colorado Springs et jusqu’à Salida,

Décor de vieux western, les figurants sont là,

Et puis le Monarch Pass où l’on se sent géant

Sur la ligne de partage des eaux d’un continent,

Et quand l’Arkansas roule au loin vers l’Atlantique,

La Gunnison choisit l’appel du Pacifique.

Dans cet Ouest dont les hommes ont fait un sanctuaire,

Théâtre à ciel ouvert de nos imaginaires,

Il est des gorges profondes, verticales de roche noire

Où gronde la Gunnison, l’eau vive sur le rasoir

Découpant sans répit ce ventre de laves durcies

Pour y inscrire l’histoire d’une montagne en sursis.