Rencontre avec Anna, une jeune française de 27 ans qui revient d’un voyage de plusieurs mois à travers l’Asie et l’Europe : Du Japon à la France.
Une personne à la fois courageuse et très humble. Un témoignage inspirant qui force le respect. Un récit qui mène la vie dure à tous nos clichés : « le monde est terriblement dangereux » , « l’homme est un loup pour l’homme »… Une aventure qui redonne espoir en l’humanité et dont l’héroïne illustre parfaitement ce qu’est « L’Esprit de la roue ».
Présentation
Anna, 27 ans, originaire du sud de la France.
Je voyage depuis environ 8 ou 9 ans, toujours avec une philosophie de vie un peu alternative. J’ai toujours tenté d’intégrer les voyages à mon quotidien.
J’ai étudié dans le domaine de l’environnement avec une spécialisation dans l’eau et une formation en cartographie. Une grande partie de mes voyages a été liée à ça, à travers des stages et du bénévolat. Je suis par exemple partie en Écosse pour travailler dans des fermes et apprendre l’anglais. J’ai également eu la chance d’effectuer des stages au Sénégal et au Québec en étant hébergée dans des familles.
J’ai donc toujours essayé de concilier ma vie et les voyages.
Anna et le cyclisme : Quel est ton rapport au vélo ?
À la base, le vélo n’est pour moi qu’un moyen de transport. Je n’ai jamais particulièrement aimé cela. J’ai obtenu le permis de conduire assez tardivement et pendant très longtemps le vélo était mon seul moyen de locomotion.
D’où est venue cette idée de traverser l’Asie et l’Europe ?
Je rêvais de visiter la Mongolie depuis toujours. Le Japon et la route du transsibérien étaient également des rêves d’enfance. Par nature, je n’aime pas les allers/retours : lorsque je pars, c’est pour tout faire, pas seulement une partie et puis revenir quelques années plus tard pour voir le reste. Je me suis donc toujours dit : «Lorsque j’irai en Asie, je ferai tout en même temps ! »
Lorsque ma soeur est partie vivre au Laos, j’ai saisi l’opportunité pour lui rendre visite et découvrir la région. Étant en Asie, je me suis alors mise en tête de réaliser mes vieux rêves de voyage. Je suis donc partie pour le Japon, j’y ai travaillé un an. De là, je souhaitais aller en Mongolie et ensuite rejoindre la Russie pour prendre le transsibérien. La question c’était : « Comment joindre tout cela ? ». C’est là qu’est née l’idée du vélo.
Pourquoi avoir choisi de le faire à vélo ?
Lorsqu’on voyage en train ou en bus on est limité dans ses déplacements : on ne peut pas aller où on veut, on ne peux aller à la rencontre des gens… J’ai déjà expérimenté la formule « sac à dos et transports en commun » en Afrique. Je me souviens avoir été frustrée de ne pas pouvoir aller partout où je l’aurais souhaité. Finalement on se contente de se déplacer de ville en ville et on passe à coté de tout ce qui se passe entre.
Je désirais donc avoir une approche différente : être capable d’aller où bon me semblerais et comme bon me semblerais, en étant autonome. Être plus libre en somme. Le vélo semblait le parfait compromis. Je ne regrette pas, maintenant j’adore le vélo !
Ce voyage trans continental était-il ton premier cyclo-tour ?
À 13 ans, pendant 10 jours, nous avions fait un voyage à vélo avec ma mère et ma soeur, sur le canal du midi : entre Bézier et Agen.
On peut dire que mon premier vrai grand périple et tant que cyclonaute, c’était celui qui vient de s’achever entre le Japon et la France.
Pourquoi ce choix de partir seule ?
Avant de partir je souhaitais faire le voyage avec d’autre personnes. N’ayant pas d’experience, c’était un peu flippant de partir seule. J’ai donc essayé de rentrer en contact avec d’autres cyclistes par internet mais ça n’a rien donné. Je suis du genre à prendre mon temps, à profiter et voyager à mon rythme : si j’ai envie de m’arrêter je m’arrête ! Ce n’est pas forcément compatible avec les habitudes de tous. Les quelques cyclistes que j’avais rencontrés n’étaient pas dans cette philosophie là. J’ai donc préféré voyager seule.
Le vélo était-il ton seul moyen de locomotion ?
Non, pas seulement. D’ailleurs je dis souvent que je ne voyageais pas « en » vélo mais « avec » un vélo.
En réalité mon unique objectif était de ne pas prendre l’avion. À part cela je ne m’interdisais pas d’emprunter d’autres moyens de transport : bus, autostop, train, bateau…
Par exemple, du Japon j’ai pris un bateau pour traverser jusqu’en Russie. En Russie, j’ai réalisé mon rêve en prenant le transsibérien. En Mongolie, j’ai pris un bus, j’y ai également fait du stop. Enfin, j’ai pris un train entre Saint Petersburg et Tallinn.
Cela faisait également parti de ma philosophie de voyage : ne pas être bloquée par le dogme du « tout à vélo ou rien ». Je souhaitais véritablement être libre de mes déplacements et ne pas me limiter à une route : si j’entendais parler d’un endroit qui n’était pas sur ma route et que j’avais envie de le visiter, j’y allais ! Si ça devait me faire perdre du temps, je me disais : « Peu importe, je pourrai toujours rattraper en prenant un bus ».
En revanche, plus j’avançais, plus j’appréciais me déplacer à vélo et moins je prenais d’autres moyens de déplacement. Je me rendais compte que j’y arrivais de mieux en mieux. J’ai ainsi parcouru de Tallinn en Estonie à la France uniquement en pédalant.
Combien de kilomètres as-tu parcouru à vélo et combien de pays traversés ?
Environ 9000 KM à vélo.
J’ai traversé le Japon, une partie de la Russie, une partie de la Mongolie, les 3 pays baltes, la Pologne, l’Allemagne et la France.

La campagne polonaise
Des endroits où tu as eu du plaisir à rouler ?
L’Europe en générale est très pratique et très agréable à vélo. Les infrastructures sont excellentes pour les cyclotouristes.
J’ai adoré la Mongolie : je réalisais un rêve d’enfance, ce n’est pas trop dur physiquement, les gens sont sympas, il n’y a pratiquement pas de voitures sur les routes et donc peu de danger.
L’Estonie m’a également agréablement marquée : il faisait beau, le réseau de pistes cyclables est bien développé, les gens sont sympas.
Les plus beaux endroits que tu as traversés ?
Le Japon : le Mont Fuji et les temples dans les montagnes ; les rives du lac Baïkal en partie gelé en Russie.
Un moment particulièrement marquant ?
Je me souviens d’une semaine en Mongolie où tout avait été parfait : je roulais dans une vallée assez peu touristique, l’accueil des gens était magique : j’ai ouvert ma sacoche à nourriture 2 fois dans la semaine et je me suis presque faite engueulée ! Les gens étaient extrêmement chaleureux et hospitaliers.
En arrivant à la frontière, j’ai fait du stop pour m’avancer, un camionneur s’est arrêté et pareil : une personne incroyablement gentille et bienveillante. Une semaine riche en bonnes surprises.
Sinon d’une manière générale, le sourire d’une personne, des animaux qui croisaient ma route, ou même un vol de cigognes, suffisaient à illuminer ma journée. Ce sont les choses simples qui m’apportent le plus.
Un moment particulièrement difficile ?
Il y a eu deux passages particulièrement durs :
Les tous premiers jours au Japon : j’étais trop chargée, mal préparée, j’ai perdu mon porte feuille avec de l’argent liquide et ma carte de crédit, j’avais mal partout, il faisait froid (c’était en mars), il y avait de la neige, j’étais régulièrement trempée, je campais… Je me suis dit « Anna, qu’est ce tu fais là ?!! ». Heureusement, j’ai fait de belles rencontres qui m’ont aidée et m’ont permise de retrouver le moral.
Plus tard, en Europe, de Riga en Lettonie à la France, pendant un mois et demi il n’a quasiment pas fait beau une seule fois : j’étais constamment trempée, ma tente était mouillée en permanence, mon duvet, mes vêtements étaient toujours humides… Pareil, je me suis souvent demandée ce que je faisais sur un vélo.
Comment se sont passées ces nuits de camping par temps froid ?
Je suis partie le 3 mars 2014, en plein hiver. Au pied du mont Fuji à 1000m d’altitude, il est très rigoureux. Le matin : les flaques d’eau étaient gelées. Mon duvet n’était pas suffisamment chaud, je devais faire du multi couche. J’avais un peu peur les premieres nuits, je n’avais jamais campé en hiver dans le froid. Tout s’est heuresement bien passé et j’ai vite réalisé que je pouvais le faire.
C’était plus le soir avant de me coucher que c’était désagréable : Il n’y avait pas toujours grand chose à faire, je restais assise dans la tante, dans le froid. Bien souvent, je ne pouvais même pas faire de feu, pour ne pas me faire repérer : une fille seule dans la nature… J’essayais le plus possible de rester discrète.
À ce propos, comment choisissais-tu les endroits pour camper ?
Au Japon, le camping n’est pas très populaire et les gens n’y sont pas habitués. Pour ne pas les déranger je campais plutôt à l’écart.
On m’avait mise en garde à propos de la Russie : « les gens boivent beaucoup de vodka et peuvent devenir agressifs ». Pour ne pas prendre de risques, j’ai tenu compte de ce conseil en me tenant à l’écart des villes et villages. Je campais donc en pleine nature. En réalité, je n’ai fait que des rencontres incroyables en Russie et les gens que j’ai croisés ont toujours été très chaleureux à mon égard.
En Mongolie je restais avec les nomades dans leurs camps.
Enfin, en Europe, les terrains de campings sont très développés et très pratiques.
Comment faisais-tu pour te nourrir et avoir de l’eau potable ?
J’étais complètement autonome : j’avais un petit kit de cuisine dans mes affaires et je cuisinais moi même. Bien souvent j’ai également été invitée chez l’habitant.
Concernant l’eau, je l’achetais. En Mongolie c’était un peu plus compliqué : je ne croisais des boutiques qu’environ tous les 2 jours. Je prévoyais donc des reserves pour un peu plus de 48h.
Avec quel type de vélo as-tu voyagé ?
Il s’agit d’un vélo de voyage de marque allemande. Je ne me rappelle malheureusement plus du nom de la marque. Il était monté avec un guidon papillon, deux sacoches à l’avant et deux à l’arrière.
Donnes-tu un nom à ton vélo ?
Oui, je le surnomme « Canasson ».
Cannasson, parce que c’est un peu ma mule. C’est également en rapport avec l’horoscope chinois : 2014 est l’année du cheval. De plus avant de partir une amie japonaise m’a donné un talisman représentant un cheval… donc Canasson me semblait un bon nom.
Qu’y a-t-il dans ta playlist d’aventurière ?
« Mam’zelle bulle« des Ogres de Barback, la version interprétée par Tryo, c’est une chanson que j’ai toujours aimée et « Ernesto ou celui qui dansait nu » de Ginkobiloba, je l’ai découverte en chemin
… Dans ta vidéothèque ?
Je préfère les livres aux films en général. Je trouve les films souvent trop romancés. Mais sinon, quitte à être dans le romancé je dirais « Les Chemins de la liberté« et « Le Seigneurs des anneaux« . Les deux ont des paysages assez extraordinaires.
… Et ta bibliothèque ?
« Riboy, fugue pour violoncelle » de Jean Louis Gouraud, il y a aussi « L’Afrique fantôme » de Michel Leiris, Levis strauss en général, surtout « Triste Trophique« et l’oeuvre de Thoreau en général également.
Ado je lisais aussi les magazines comme « Terres Sauvages« et le « National Geographic« .
Tes projets pour la suite ? D’autre voyages en perspective ?
Bien que j’adore le vélo, j’ai décidé de prendre ma « retraite » du cyclotourisme et même du voyage en général. Du moins pour le moment. J’ai eu la chance de pouvoir visiter toutes les destinations qui me faisaient vraiment rêver. J’ai désormais des projets personnels qui ne sont pas forcément compatibles avec les voyages : je souhaite m’installer en tant qu’agricultrice.
Je reste dans le prolongement de ma philosophie de vie : prendre son temps, voir les choses venir, savoir d’ou elles viennent, savoir que produit l’énergie et le temps qu’on investit.
L’engagement dans quelque chose de concret me manquait un peu lors de mon périple à en vélo. On est témoin sans participer. Je désire désormais passer à autre chose et m’impliquer vraiment.
Cette aventure m’a aidée à prendre confiance en moi. Je sais maintenant que si j’ai pu faire ça, je suis capable de faire plein d’autres choses.
Pour plus d’informations sur Anna et son voyage, n’hésitez pas à visiter son blog : http://annaenvoyage.kikooboo.com
Merci à Anna pour cette entrevue passionanente. Bonne chance pour la suite de tes projets
Bonjour, j’aimerais rentrer en contact avec Anna. Je souhaite voyager seule, à vélo, en Mongolie cet été. J’aimerais être confortée et soutenue dans mon choix, n’ayant jamais voyagé seule à vélo. Merci 🙂
Bonjour,
Désolé pour le délais de réponse je suis moins actif sur le blog ces derniers mois.
Pour joindre Anna, le plus simple serait via Facebook: Anna Melki (la première suggestion).
Je n’ai malheureusement plus ses coordonnées.
Bonne journée à vous.
Merci beaucoup!